Beaujolais, la terre traditionnelle du gamay

Le Beaujolais est le terroir de prédilection du gamay (gamay noir à jus blanc) depuis longtemps, depuis que le cépage a été jugé inadapté aux terroirs à pinot noir de la Côte-d'Or bourguignonne à la fin du XIVe siècle. Maturité précoce, moindres problèmes de culture et bonne productivité du cépage, fruit croquant et jus gourmand de ses vins : les gamays du Beaujolais ont été tôt réputés localement pour être faciles à consommer et prêts à boire dès leur prime jeunesse. Une buvabilité qui va de pair avec un mode de vinification en raisins entiers privilégiant l'expression aromatique et la fraîcheur sapide du vin "nouveau".

Ce type de vin léger a connu le succès dans la région lyonnaise avant de conquérir Paris à partir du XVIIIe et au XIXe siècle, puis le monde entier au XXe siècle avec la légalisation officielle en 1951 de la vente du beaujolais de l'année, dit "nouveau" ou "primeur", à une date avancée au mois de novembre (fixée à partir de 1985 au 3e jeudi de novembre). Ce succès a vite surpassé celui des cuvées de Beaujolais, de Beaujolais-Villages et de Crus qui attendaient, quant à eux, de “faire leurs Pâques” avant d'être commercialisés.

Le principe de la vinification beaujolaise repose sur l'encuvage des raisins entiers, dont une partie se trouve écrasée au fond de la cuve par le poids de la vendange et libère un jus qui commence à fermenter sous l'action des levures et produit naturellement du gaz carbonique qui sature progressivement le récipient, dès lors en ambiance anaérobie (sans oxygène). Dans ces conditions, les baies de raisin sont dans une première phase le siège d'une fermentation particulière dite "intracellulaire", à savoir une dégradation enzymatique des sucres à l'intérieur de chaque grain de raisin, avant d'achever le cycle fermentaire dans une seconde phase par une dégradation levurienne "classique" dans le jus sorti du pressoir. Il en résulte une plus grande richesse aromatique et une plus basse teneur en tannins et en acidité : des vins plus frais, plus friands et plus souples.

Cette vinification traditionnelle du beaujolais a été appelée "macération semi-carbonique", la différenciant ainsi de la pure "macération carbonique" théorisée et mise au point dès avant la Première Guerre mondiale (professeur Michel Flanzy, Station œnologique et INRA de Narbonne), méthode qui repose sur une vinification des raisins entiers dans une cuve chargée en gaz carbonique préalablement à l'encuvage. Très en vogue à partir des années 60, exploité par les grosses maisons de négoce du Beaujolais à l'aide de levures sélectionnées par l'industrie pour leurs performances fermentaires et aromatiques (généralisées à partir des années 80, telle la célèbre 71 B, “la levure des vins primeurs”), ce type de macération a été poussé jusqu'à la caricature (goût de banane, de bonbon anglais…), à juste titre décriée.

À l'opposé, à la même époque, Jules Chauvet, négociant, chercheur et vigneron (La Chapelle-de-Guinchay, Beaujolais), a ouvert la voie à une vinification beaujolaise naturelle (raisins cultivés sans chimie, pas de levures exogènes ni soufre), une voie suivie par une génération de vignerons soucieux d'authenticité, d'abord du Beaujolais (Marcel Lapierre, Jean Foillard et autres), puis d'autres régions et pour divers cépages. Travaillés et élaborés de façon naturelle, les gamays se révèlent d'une savoureuse buvabilité mais aussi, particulièrement dans les Crus du Beaujolais, d'une réelle profondeur.