Le Frioul : tradition et innovation pour des blancs hors norme
La région Frioul-Vénétie Julienne (Friuli-Venezia Giulia), dont le Frioul constitue la partie principale (90 %), forme l'extrémité Nord-Est du territoire de l'Italie. Le vignoble se répartit en deux terroirs frontaliers de la Slovénie, le Collio – avec Gorizia comme “capitale” – et le Carso – à proximité de Trieste –, deux entités géographiquement et historiquement distinctes. Dans les conditions historiques qui sont les siennes, cette partie orientale du Frioul possède une culture et une identité majoritairement slaves.
Le Collio, avec ses collines pentues bien arrosées et ventilées (la bora, vent du Nord-Est froid et sec venu des Alpes), est caractérisé par ses sols de ponka, une roche stratifiée constituée de marnes et grès, riche en minéraux : le royaume des cépages blancs locaux ribolla gialla et friulano (ex “tocai” friulano) ou encore de la malvasia d'Istrie et du pinot gris. C'est là que, reprenant une tradition de vin blanc macéré (une pratique facilitant la séparation du jus et des peaux) et s'inspirant des blancs de macération traditionnels de Géorgie, s'est développé à partir des années 90 un style très innovant de blancs vinifiés en macération avec les peaux, porté par de grandes figures comme Joško Gravner, Stanko Radikon, Dario Prinčič, Evangelos Paraschos ou Franco Terpin.
Le Carso, plus modeste en taille, est un terroir rude et pauvre situé sur le calcaire du plateau karstique à proximité de la mer Adriatique, avec une faible couche de sol argileux rougeâtre (oxyde de fer), et soumis à la chaleur avec de grands écarts de température et à la puissance de la bora. Des conditions difficiles où le rare cépage blanc local vitovska s'avère le plus remarquablement adapté au terroir, aux côtés de la malvasia ou encore du teran pour les rouges, tous deux venus de l'Istrie voisine. La mise en valeur des vins du Carso doit tout à des vignerons phares comme Paolo Vodopivec et Benjamin Zidarich, devenus adeptes dans les années 90 d'une vinification en macération avec les peaux qui a apporté une image singulièrement nouvelle d'un vignoble méconnu.
Pour le Collio comme pour le Carso, l'exigence d'une viticulture “naturelle” et l'expérimentation des blancs en macération sur les peaux ont été une révolution et surtout une révélation. À la fois révélation du potentiel expressif des cépages autochtones jusqu'alors peu en évidence et révélation du caractère des terroirs, pour des vins incomparables.